jeudi 24 juillet 2014

Le temps des cerises en toute saison

Encore désolée pour ce long silence. Mon dernier wwoofing s'est terminé dimanche. Retour en France la semaine prochaine. Ce wwoofing a encore été une très belle aventure. J'ai donc travaillé pendant trois semaines dans la ferme laitière de Kazuya-san et Yoko-san. Cela fait bientôt dix ans qu'ils ont bâti cette ferme. Avant cela ils étaient tous deux enseignants de japonais dans un lycée à Osaka. Mais là encore l'évolution du système éducatif et la pression que doivent porter les enseignants ont poussé Kazuya-san à réaliser un de ses rêves : celui de vivre à la campagne et d'élever des vaches. L'image des vaches qui broutent dans les prairies l'a toujours attiré (même si cette réalité ne concerne finalement que peu de vaches) tout comme Hokkaido et ses grands espaces naturels radicalement différent de sa vie de citadin qu'il avait toujours menée. Enfin il se trouve que sa femme est originaire d'Hokkaido. Avant de se lancer, il a vadrouillé pendant un an à Hokkaido à la rencontre de d'autres éleveurs de vaches où il a étudié les bases du métier. Une année difficile mais qui l'a encouragé à avoir sa propre ferme bâtie selon ses idéaux et son propre rythme. Sa femme et ses enfants l'ont rejoint et ils ont posé leurs valises près de Setana. Une telle reconversion n'est pas facile. Mais la solidarité du couple et celle d'amis éleveurs de la région ont permis à leur ferme de voir le jour. Je lui souhaite encore de belles années devant elle. 

Setana est une région assez isolée. Peu de jeunes, peu de transports également. Les vaches doivent cependant y vivre bien. Elles ont l'espace pour pouvoir se dégourdir les jambes et  contempler là encore de beaux paysages. Ils élèvent une vingtaine de vaches, des holsteins qui résistent relativement bien au froid. 



Ils élèvent également un petit veau pour leur future consommation : Yami-kun très joueur. Mais dans deux ans ils lui diront au revoir et recevront sa viande. D'ici là, Yami-kun a de quoi passer de beaux jours dans cette très belle ferme.
 

Chez Kazuya-san et Yoko-san on croise aussi des chèvres, un chien (Cookie). Il y a aussi un chat (nianta), un lapin et quatre poules.

Les journées commencent à 5h30 pour la première traite du matin. La seconde est à 17h. Il faut d'abord préparer la salle, le foin pour tenir les dames en patience pendant la traite, et rassembler ces dernières qui passent tout leur temps dehors jusqu'au prochain hiver.
Au premier plan, Kakipi vache pleine d'amour
Le moment de la traite est aussi un moment où il est possible de faire connaissance avec les vaches. Elles ont toutes leur caractère, des sociables, des moins sociables, des tranquilles, des actives, de grosses mangeuses etc.
 On ne trait pas les vaches qui sont à quelques semaines de l'accouchement. Kakipi allait bientôt donner naissance à un petit veau et était donc exemptée de traite. Les 5 premiers jours qui suivent l'accouchement le lait  n'est pas non plus commercialisable.

La traite ne se fait pas à la main. Avant d'utiliser le "milkeur", on vérifie toutefois à la main si le lait ne contient pas d’impureté puis la machine fait le reste. Le lait part dans les tuyaux jusque dans une cuve située dans une pièce adjacente. Chaque vache produit en moyenne entre 26 et 30 litres de lait par traite. Le prix du lait au Japon est de 80yen le litre (soit 0,58 euros). Et il n'y a pas de différence de prix entre le lait des vaches qui ont été élevées de façon "biologique" et les élevages industriels. Le lait est récupéré une fois tous les deux jours par un camion. Et la aussi malheureusement il est mélangé avec les laits des éleveurs industriels qui nourrissent sans doute leurs bêtes avec beaucoup de maïs OGM...



Les vaches se mettent à leur aise avant de retrouver les vertes prairies.
Un des gros travail du printemps et de l'été est le fauchage et la  préparation des balles de foin pour l'hiver. Kazuya-san possède plusieurs terrains. Avant l'hiver chaque champ peut être utilisé trois fois environ.


 Après avoir rassemblé l'herbe et emmené les balles jusqu'à la ferme, on les place dans une machines qui les filme. Si la saison est bonne, ils n'auront pas besoin d'acheter de foin pour l'hiver. L'hiver la neige recouvre tout. Les vaches ne peuvent pas sortir aussi elles ne se nourrissent que de ce qui a été récolté pendant l'été.
Enfin , hormis les travaux autours des vaches, mes autres activités à la ferme consistaient à s'occuper des petits champs de Yoko-san, couper du bois pour leur storbe pour l'hiver, de balader le chien, d'aider Yoko-san à la préparation de levures bio pour faire du pain etc.
Les deux premières semaines je les ai partagées avec un étudiant en agriculture de Nagano. Yoko-san nous a emmené dans de nombreux endroits. Ici la ferme laitière de Murakami. (http://www12.plala.or.jp/mkfarm/) Ils y produisent des glaces et du fromage. Une entreprise familiale qui marche plutôt bien.
Yoko-san est un très grande militante. Elle ne manque pas une occasion de nous présenter à des camarades de luttes afin de nous sensibiliser aux problématiques comme actuellement le nucléaire, l'article 9 de la constitution ou encore l'accord du TPP. Yoko-san et ses amis  regroupent aussi leur courses et tentent de s'échanger au plus leur production. Une solidarité nécessaire dans cet endroit un peu reculé où l'hiver est rude. J'ai été impressionné par l'énergie de Yoko-san qui semble ne jamais baisser les bras.

Présentation d'un élevage de brebis. Viande peu consommée au Japon. De plus la viande de brebis lorsqu'elle est consommée provient le plus souvent de Nouvelle Zélande. Mais cette ferme fournit principalement les grands restaurants du pays.
Le petit de Kakipi. Tarô-kun. Les petits mâles ne restent pas dans la ferme (par conséquent ils s'appellent tous "Tarô"). Après une semaine ils sont vendus. Les femelles elles restent et serviront à prendre la relève. Deux vaches environ par an sont emmenées à l'abattoir soit parce qu'elles sont malades soient parce qu'elles ne peuvent pas ou plus avoir de petits ce qui réduit leur production de lait. 
Le petit est séparé de sa mère peu de temps après l'accouchement. Mais il est quand même nourri avec le lait de sa maman.
Les environs de la ferme sont vraiment beaux. J'ai trouvé là-bas beaucoup de paix et de cœur. Kazuya-san et Yoko-san sont des enseignants généreux. J'ai beaucoup appris à leurs côtés. Ils sont très concernés par ce qui les entoure et tentent vraiment de sensibiliser au mieux les wwoofeurs ou étudiants qui viennent dans leur ferme aux problématiques écologiques, politiques. Ils ne manquent pas de livres et de DVD à faire partager. Nous avons eu des échanges riches et variés. Beaucoup de rires aussi. Tout n'était pas facile mais j'ai puisé là-bas beaucoup d'énergies et j'ai également appris beaucoup sur moi-même.
Avant de me conduire à la gare mes hôtes (au centre) m'ont invité dans un restaurant de cuisine Suisse
Vraiment pour tous ces très beaux moments, pour leur gentillesse et générosité un très grand merci. Ce wwoofing restera longtemps gravé dans ma mémoire. Il s'est conclu par un vers de Louis Aragon que Yoko-san apprécie et qu'elle avait également récité lors de sa dernière classe à Osaka.
学ぶとは誠実さを胸に刻むこと。教えるとは共に夢を語ること」
"Enseigner c'est dire espérance
Etudier fidélité"
(extrait de "Chanson de l'université de Strasbourg")

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