dimanche 1 juin 2014

La clef des champs

Je me situe actuellement dans la province de Shakotan (積丹)dans l'Ouest d'Hokkaido. Shakotan est un mot Ainu qui signifie village de l'été. C'est dans cette province que j'effectue mon wwoofing pour le moment, dans la ferme de Nobuya-san et Yoko-san : "la ferme nonon" (のんのんふぁーむ, nonnon famu). "nonnon" pour les français sonne un peu comme la ferme du "non" qui s'accorde assez bien avec la position de mes hôtes plutôt opposés au système actuel. Mais c'est avant tout l'abrévation de "Nonbiri" et "Nonkiri" qui pourraient se traduire par "insouciance" et "aller doucement"

Nobuya-san et Yoko-san forment un couple d'une soixantaine d'années. Ils se sont lancés dans l'agriculture il y a un peu moins de dix ans. Nobuya-san était instit mais las du système et de l'évolution de l'éducation, ils ont décidé de changer de vie après que leurs enfants ont fini l'université. Ils ont toujours été dans une démarche assez écologique et réfractaire. Par exemple, l'hymne national est chanté à chaque rentrée scolaire et tout le monde doit se lever et la chanter. Nobuya-san s'y est toujours opposé et ne s'est jamais levé jugeant l'hymne dépassé et trop nationaliste. Aujourd'hui une telle attitude pourrait entraîner un renvoi direct.

Durant leur jeunesse Nobuya-san et Yoko-san ont beaucoup voyagé en Inde, au Népal mais aussi en Afghanistan, Syrie, Irak. Un jour au Népal, dans une petite auberge où ils sétaient arrêtés pour une nuit leur hôte leur a demandé ce qu'ils souhaitaient manger. Nobuya-san a répondu du poulet. L'hôte est sorti et ils ont entendu qu'il tuait une de ses poules pour la leur préparer. Ce geste les a touchés. Nobuya-san et Yoko-san ont alors décidé d'apprendre à produire leur propre nourriture. A élever et tuer leurs propres bêtes...plusieurs années après "non non farm" a vu le jour.
La maison des poules
Ils élèvent donc des poules. Et Nobuya-san a depuis appris à tuer ses propres poules pour leur consommation. Les poules ne sortent pas de leur abri. L'hiver est trop froid et l'été les renards rodent. Mais les poules ont de l'espace. Nobuya-san, en plus des restes de la cuisine leur prépare une mixture à base de Kara (le déchet qui reste lors de la confection du Tofu), de coquilles de coquillages ou d'oursins, d'écorce de riz, de blés et autres. Les poules sont élèvées sur de la terre battue. La nourriture qu'elles ingurgitent fait de leurs fientes un très bon fertilisant. Nobuya-san récupère ainsi de temps en temps la terre sur laquelle les poules évoluent pour s'en servir comme fertilisant dans ses champs.
La maison verte où ils font pousser des aubergines, des concombres, des tomates, mais aussi des jeunes bulbes qui seront ensuite mis en terre dans les champs. 
Comme ces oignons que nous avons plantés. Dans le reste du Japon c'est déjà la récolte des oignons. Mais à Hokkaido, l'hiver se termine plutôt début mai. Le rythme des plantations est un peu différent du reste du pays. Non non farm se compose d'environ 7 hectares de terre. Nobuya-san et Yoko-san varient les plantations au fils des années.  Ils reconnaissent que cette vie n'est pas des plus faciles et qu'ils n'ont pas la liberté encore de pouvoir mener à bien tous leurs projets. Ils aimeraient également avoir des ruches, des chèvres. Mais la priorité est pour le moment donnée aux légumes et aux poules qu'ils vendent afin d'avoir un minimum de rentrée d'argent. Mais l'entretien demande beaucoup de temps.

Un frigo naturel où sont entreposés les légumes. Le mur offre un espace où ils stockent la neige qui ne manque pas en hiver. La neige tient ainsi jusqu'à l'hiver suivant et permet un frigo écolo et économique. Les légumes récoltés en été et en automne sont entreposés dans ce frigo et mes hôtes peuvent les utiliser durant l'hiver pour leur consommation.

Puru, très gentille chienne qui sert aussi d'alarme si d'éventuels ours ou d'éventuels daims s'approchaient de trop près.
Nobuya-san et Yoko-san ont eux mêmes dessiner le plan de leur maison. Ils ont pris soin malgré le prix d'utiliser des matériaux locaux. Le mur de façade est en pin d'Hokkaido. Assez épais, le mur est bourré de vieux papiers journaux qui offre une très bonne isolation. Ainsi, même si les nuits sont parfois encore un peu fraîche à Hokkaido, il fait chaud à l'intérieur. Nous sommes loin des murs de 5 cm d'épaisseur des maisons du reste du Japon !

Nonnon farm se situe à une heure de marche de la ville la plus proche. La nature est notre seule voisine. Une nature qui a été assez brutalisée cependant. Les américains ont par exemple exterminé tous les loups et beaucoup d'Ours d'Hokkaido déséquilibrant ainsi l'écosystème. Aujourd'hui les daims sont en surnombre et ne sont pas sans poser de problèmes aux agriculteurs car une bonne partie de leur récolte part dans le gosier des daims.
Enfin, la nature continue cependant de nous offrir ses trésors. Mes hôtes m'ont appris que le terme "nature" n'existait pas avant au Japon. Ce terme aurait été introduit à l'ère Meiji lorsque le Japon s'est ouvert au reste du monde. Auparavant la nature n'avait pas à être nommée. Elle était là simplement, demeure des animaux, des humains et des Kamis (Dieux shintos)


A bientôt pour d'autres histoires sur nonnon farm et/ou Shakotan. 

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